Je viens d'ici et là-bas. De nulle part et d'en bas.

La poupée s’éveille, ses gestes lents sous les draps blancs et ses grognements font comprendre qu’elle n’est plus dans ces rêves. Il rentre dans la chambre. « Sans vouloir te vexer princesse, les gens qui dorment deux jours entiers, y a de quoi s’inquiéter. » Tu le fixe. « Qu’est-ce que j’fous ici ? » « Comme je viens de te le dire : t’as pioncer deux jours. » Ton chien rentre dans la chambre, s’asseyant au pied de ton lit, te jaugeant affectueusement « Mais je t’ai rien demander moi. » Tu lui lance ce pic avec vigueur, comme si c’était un couteau que t’envoyait au visage. « Shit, excuse moi ‘’princesse’’ la prochaine fois, je te laisserais baver sur le bitume en espérant que personne ne vienne te marcher dessus. » Tu le jauge un instant, sans comprendre. Évidemment, tu ne te rappelle pas de cette nuit. Ni de toute celles d'avant. Depuis près d'un mois, tu te souviens de rien, amnésie totale. Alors t'as déraillé, t'as un peu trop bu, pas réellement vu, t'es tombé en pleine rue. Et maintenant t'es là, ne connaissant de toi que ton prénom. Assya-Faye. Charmant. « J’avais pas b’soin de ton aide. » Tu soupires. « Si tu l’dis. » Tu te redresse, passant une main dans tes cheveux. « J’me casse. » Il te fixe quelques secondes, et s’écartes de la porte. « Bah casse toi. » Dix minutes plus tard, t'es dehors. Ce mec, tu le détestes rien que parce qu'il a pu penser que tu avais besoin d'aide. De son aide.

« C'est votre mère ? » Tu relèves la tête vers la blonde qui arbore un infime sourire. « C'est moi. » « C’est triste » « C’est la vie. » Tu fixes la pierre tombale qui porte ton prénom et ton nom. Tu l'as fait posé ici il y a quelques temps. En hommage à un passé oublié. Elle, elle te fixe un instant, ne semblant pas comprendre puis finalement, éclate de rire sous ton regard perdue. Elle s’en va.

Puis tu l’avais vu. Très souvent. Au même endroit, devant la même pierre tombale, dans le même cimetière, elle parlait à cet homme, cet inconnu. Elle pleurait beaucoup, riait aussi. Puis elle finissait toujours par venir vers toi. Comme si tu pouvais lui apporter du réconfort. Comme si tu pouvais la sauver de son existence qui la tourmentait. Puis un jour elle t’a embrassé Tu sais, ce genre de baiser qu’on n’attendait pas. Ceux qui surprennent. Et elle est partie. Sans plus rien dire. Te laissant pantoise au beau milieu de ce cimetière. Une semaine plus tard, elle était de nouveau là. « Pourquoi t’as fait ça ? » « Je sais pas. » Tu arques un sourcil, ton chien redresse la tête. « Juste comme ça ? » « Je sais pas. » Tu l’as comprenais pas. Elle semblait ailleurs. Détachée du monde. Comme les étoiles, on l’a voyait mais on ne pouvait pas vraiment la touché, elle n’était pas vraiment là. Tout en étant là. Illusion d’optique. « Tu m’aimes bien ? » Tu fronces le nez, ton chien couines de façon pas très classe. « J’sais pas » Elle se lève, pose ses mains sur tes épaules et souris. « Moi je t’aime bien. » Tu comprends pas cette femme. Puis, elle fond larmes, s’échouant contre toi comme si le poids du monde s’abattait sur elle. Ça non plus, t’avait pas comprit. Mais bienveillante, tu l’avais ramenée chez toi, tu l’avais laissé pleurer longtemps.

Elle était restée longtemps avec toi, comme si tu étais son unique bouée de sauvetage. Elle était ton seule souvenir, ton unique point d'ancrage. Puis elle était partie, du jour au lendemain, elle s'est volatilisée. Te laissant seule. Et un jour, t'as reçu ce faire-part, invitation cordiale à son mariage. T'y avais pas assisté. Tu voulais tirer un trait sur elle. Et finalement, t'étais là désormais. Cherchant la lueur qu'elle représentait au bout de ton tunnel de noirceur.