money can't buy us happiness, feat Alaska

MONEY CAN'T BUY US HAPINESS, FEAT ALASKA.

On était parties de la maison pour une virée shopping. On faisait pas ça super souvent, je détestais faire les courses. Mais j'avais besoin de sortir prendre l'air et Le Green était le premier endroit qui me vint à l'esprit. Petite, je guettais chaque occasion d'y aller avec ma mère. Certes, il était bien plus petit que ça à l'époque et, avec l'arrivage de nouveaux habitants à Wexford, il s'était largement agrandit et de nouvelles boutiques y ont fait leur apparition. Mais il reste le lieu où tellement de choses s'étaient déroulées et je sentais que d'autres allaient s'y produire aussi. Je voulais tirer un trait sur mon passé. Comment avais-je pu oublier Wexford si facilement ? Je n'avais pas donné de signes de vie pendant un peu plus de deux ans à mes amis et à ma famille. Mais j'étais là aujourd'hui, avec Alaska, et c'est tout ce qui compte.
Je sentis ses doigts dans ma main, j'avais l'impression d'être plus forte. A deux, on était plus fortes. Je lui lançais un regard. Ici, les gens n'étaient pas aussi ouverts qu'à New-York, les gays et les lesbiennes n'y étaient pas vraiment acceptés et vivaient cachés. Mais ce n'était une vie pour personne. J'assumais totalement mes actes et je savais ce que je faisais. Je tirais une cigarette de me main libre et l'allumait. On arrivait devant le centre commercial de la ville. Effectivement, la bâtisse avait été rénovée et était bien plus belle et plus moderne qu’auparavant. J'avançais en regardant mes pieds, je notais que mes bottes étaient bien abîmées et qu'il fallait que je m'en achète d'autres. J'entrais la première. Les portes vitrées s'ouvrirent dans un mouvement synchronisé à la seconde près, laissant découvrir un centre commercial que même de plus grandes villes pourraient envier. « Ça a tellement changé. » lâchais-je, dans un soupir. Ça m'exaspérait plus qu'autre chose. Si de nouvelles personnes veulent venir s'installer ici, qu'elles le fassent. Mais qu'elles ne changent pas la ville où j'ai grandi pour autant. Le résultat est désastreux. Pourquoi ? Wexford était bien mieux avant. « Je te laisse choisir. Tu veux faire quel magasin en premier ? » dis-je, pour me changer les idées. Alaska avait le choix, avec toutes les boutiques qu'il y avait ici.

wexford, t'aimais pas. pas tellement. tu te demandais encore comment t'avais pu accepter de venir jusqu'ici, franchement. new york, cole, te manquent. c'est vraiment énorme comme ils te manquent. surtout cole. ah mais oui. cole. t'aurai jamais cru tenir autant à lui, enfin, si quand même, c'était un peu ton sauveur. tu vois, mais tu t'en aies jamais vraiment rendu compte. mais maintenant que t'es là, loin de lui, tu le sens. c'est un peu pour lui que t'es partie, parce qu'il serait pas à new york longtemps. tu sais pas où il est parti, mais il est parti. et tu t'es dis qu'en venant ici avec brooklyn, tu tiendrais sans lui. un an, c'est long. si ça se trouve, tu seras plus avec brooklyn d'ici un an. pense pas le contraire alaska. t'as jamais été avec quelqu'un. jamais. t'aimais pas qu'on te collait le titre de petite amie. t'aime toujours pas. mais pour brooklyn, c'est pas pareil. mais je sais que t'es capable de merder. tu merdes souvent. tout le temps. "erreure" fail, tu te souviens ? comment ne pas s'en souvenir...
alors, brooklyn a voulu aller au centre commercial, toi aussi, tu voulais, parce que des mannequins renommées, oui, quand-même, sans nouvelles fringues tout le temps, c'est pas trop ça. « Ça a tellement changé. » t'as secoué la tête, t'as pas l'habitude de trop écouter les gens. faut que tu fasses des efforts. « hein ? quoi ? ah ouais.» elle a soupiré. c'est vrai que c'était grand, pas comme à new york, mais grand quand même, tu voyais quoi en quoi c'était pas bien. mais c'est vrai que c'était pas tellement comme elle te l'avait décrit. tu comprenais pas. pourquoi ça la dérangeait ? pourquoi ? « où est le mal ? j'veux dire faut bien que ça change ? faut bien que les gens viennent... ? je suis venue moi...» et s'il y avait eu l'ancien centre commercial, t'aurais pas tenu alaska, t'aurais pas tenu du tout. mais ça, tu l'gardes pour toi. tu gardes tellement de choses pourquoi. « Je te laisse choisir. Tu veux faire quel magasin en premier ?» « J'ai faim.» ça, c'est pas tellement l'une des réponses. elle parlait plutôt du shopping, tu vois. non, tu vois pas. tu vois jamais rien avec les gens.

Parfois, je me demandais si Alaska m'aimait vraiment. Enfin, il y a aimer et aimer, vous voyez. Il était rare qu'elle m'avoue l'amour qu'elle pouvait avoir envers moi mais je pensais que c'était à cause de son lourd passé, dont je ne connaissais que des bribes d'histoires, qu'elle ne se confiait pas, même pas à moi. Mais, je repensais au fait qu'elle avait accepté de quitter New-York, Cole et le mannequinat pour passer un an avec moi, ici, à Wexford. Je ne savais pas si elle allait tenir. Je savais qu'elle n'aimait pas la ville, je le sentais. Pourtant, elle ne me disait rien, toujours rien. J'aurais voulu qu'elle me parle quelques fois. Je savais qu'elle était comme ça, qu'elle ne parlait pas pour ne rien dire. J'étais plus ou moins pareil, alors je la comprenais. En fait, c'était peut être elle qui avait déteint sur moi. Après tout, ça faisait bientôt trois mois qu'on était ensemble, c'était tout à fait possible. Mais c'était sûrement le mannequinat qui m'avait rendue si silencieuse. Ça m'avait endurcie, j'étais devenue une femme. Dans mes souvenirs de jeunesse, j'étais plutôt bavarde. Sauvage, certes, mais bavarde. Peut être que la vraie moi allait resurgir enfin, de nouveau à Wexford ?
« hein ? quoi ? ah ouais.» Comme d'habitude, elle ne m'avait écoutée qu'à moitié. J'avais l'habitude de ça, aussi. De toute façon, elle ne pouvait pas réellement approuver : elle n'avait pas eu la chance de voir le centre commercial avant. « où est le mal ? j'veux dire faut bien que ça change ? faut bien que les gens viennent... ? je suis venue moi...» Je levais un sourcil, l'air interrogatif. « Ouais et j'en suis super contente mais toi c'est pas pareil... Tu peux pas comprendre. J'ai grandi ici, moi. » J'avais pas envie de m'engueuler avec elle. Malgré tout, je n'étais pas un mouton pour hocher la tête et ne rien ajouter. J'étais toujours du genre à imposer mes opinions. « J'ai faim.» Alaska avait la faculté de me dérouter à tous les coups. « Hm... Ouais, j'ai pas pris de petit déjeuné. Mais t'as pas vraiment choisi, là. » Je lui indiquais une liste des magasins et restaurants sur un côté d'un mur, que je venais de remarquer.

c'est tout ce que tu trouvais à dire. que t'avais faim. alaska, des fois, souvent, on se demande comment les gens te supportent. comment. pourtant, il le font, c'est fou, mais les gens aiment bien les personnes qu'on arrive pas à comprendre tu vois. et toi, justement, te comprendre, on peux pas. j'peux pas, brooklyn peut pas. si ça se trouve, tu peux pas non plus, et il est là le problème.
« Ouais et j'en suis super contente mais toi c'est pas pareil... Tu peux pas comprendre. J'ai grandi ici, moi. » tu l'as regardée, t'avais cette air assez mauvais, comme tu regardes les gens quand ils tracassent sur des trucs aussi futiles -à tes yeux. et tu te demandais comment était le quartier de moscow où t'as grandi, et tu t'es dis qu'il valait mieux ne pas penser à comment il était. parce t'y retourneras jamais. et que tu retrouveras jamais ton vrai père. et que c'était mieux comme ça. et que c'était franchement la merde d'y penser. et puis, le quartier était vraiment trop moche. un quartier de pauvre. une belle ville, mais t'as pas vécu là où c'était beau. t'avais pas cette chance.
« ohhh, bien-sûr, j'peux pas comprendre. tu veux savoir où j'ai grandi? comment?» non, personne veut ça alaska. et c'est pas ton genre d'en parler. jamais. pourquoi t'en parle là. tu devais changer de sujet. « Hm... Ouais, j'ai pas pris de petit déjeuné. Mais t'as pas vraiment choisi, là. » elle a répondu quand tu lui as dis que t'avais faim. c'était vrai. elle t'a montré une liste, avec des magasins, des restaurants. alors, tu manges ou tu fais ton shopping. t'as mis ton doigt sur un resto russe. t'es bizarre aujourd'hui. t'as pas mangé russe depuis tes 14 ans alaska. depuis tes 14 ans. alors, t'as enlevé ton doigt subitement, t'avais plus faim. t'as pris sa main, et tu t'es dirigée vers l'premier magasin. et c'était con. parce que c'était pour homme. mais t'étais pas vraiment bien dans ta tête aujourd'hui.

Je la regardais, incrédule. Néanmoins, je voulais à tout prix lui faire plaisir. Je savais bien que sinon, elle n'hésiterait pas longtemps avant de m'abandonner et de repartir pour New-York, sans plus personne pour lui mettre des bâtons dans les roues. Ce n'était pas mon objectif, évidemment. Mais qui sait, peut être que c'était ce qu'elle croyait ? Je n'étais pas dans sa tête et son visage sans expression ne la trahissait jamais. Ses traits neutres m'exaspéraient souvent au plus haut point. J'aurais voulu qu'elle me confie ses doutes et ses peines. J'aurais voulu qu'elle comprenne que je pourrais la soutenir quoi qu'il arrive. Pourtant, ces mots, aussi simples soient-ils dans mes pensées, ne sortaient jamais de ma tête.
Alors que je rétorquais qu'elle ne pouvait pas comprendre comment je ressentais ce changement brutal, du tout au tout, Alaska me regardait, l'air mauvais. Parfois, elle me faisait presque peur. Comme si elle était dangereuse. Peut être qu'elle l'était, en fait. Peut être qu'elle l'était mais que personne ne s'en était rendu compte étant donné que peu de gens s'intéressaient réellement à elle, à ce qu'elle était.
A New-York, le vice était roi. On ne se penchait sur toi que parce que tu étais mannequin et pleine de fric, que tu peux vivre – ou survivre – dans ce monde de fous. Mais ici, à Wexford, les choses étaient tellement différentes. Les gens qui y vivaient, ou du moins les gens qui y vivaient depuis longtemps, étaient vrais et ne s'intéressaient pas à ton argent, pour la plupart. C'était certainement ce dont j'avais le plus besoin, il fallait que j'aille me ressourcer de temps en temps, afin de garder les pieds sur terre. Alaska n'avait plus de racines, si elle déchantait, c'était peut-être normal.
« ohhh, bien-sûr, j'peux pas comprendre. tu veux savoir où j'ai grandi? comment?» Cette fille parfois, elle était flippante. Je me contentais de hocher docilement la tête et de bredouiller une phrase dans ma barbe. Mieux valait ne rien ajouter, je n'étais pas pour une confrontation aujourd'hui. Même si, oui, j'aurais bien voulu savoir où et comment elle avait grandi.
Alors qu'elle me disait qu'elle avait faim et que je lui montrais une liste des magasins et restaurants, elle pointa du doigt le nom d'un restaurant russe. Je ne la comprenais pas. Était-ce vraiment ce qu'elle voulait ? Soudain, elle m'attrapa la main et partit vers la première boutique qu'elle vit. Je compris aux articles qu'elle contenait que c'était un magasin de vêtements pour hommes. « Bonjour mesdemoiselles, c'est pour un cadeau pour votre petit-ami ? Pour votre père ? Je peux vous aider ? » nous demanda gentiment le vendeur. Deux points sensibles en une phrase. « Euh... Non... C'est... » Je pris Alaska par le coude et la sortit de la boutique. Au moins, ça, c'était fait. Sans même la traîner derrière moi ou lui demander son avis, j'entrais dans le magasin d'à côté. Des vêtements pour femmes, cette fois. Je pris un haut, plié sur un des présentoirs à l'entrée. « Il t'irait bien. » fis-je, presque timidement.

Ta réaction était partculièrement stupide. Fallait savoir ce que tu voulais. Manger russe, ou pas ? ça te manque tant que ça ? Tu savais pas si ça te manquait, tu savais même pas si tu mangeais vraiment russe. Parce que ta mère faisait jamais rien à manger. Et quand tu mangeais dehors, c’était des fast food. Alors, non, ça te manquait pas. Alors pourquoi ?
T’aurais voulu que Brooklyn te demande pourquoi t’avais fais ça, t’aurais vraiment voulu, même si t’aurais pas répondu à la question. T’aurais quand même voulu. Tu l’as emmené vers le premier magasin sur lequel t’es tombée, et c’était même pas le bon, tu te sentais assez conne. Mais t’en avais pas l’air. T’avais cette tête qui affichait pas grand-chose. Sauf quand t’es heureuse. Quand t’es heureuse, ça se voit. Tu souris, mais tu souris vraiment.
Alors, une vendeuse est venue vous demander si c’était pour un copain, un papa, ce genre de chose. Ce genre de chose que t'avais pas, enfin, plus. T'as jamais eu de petit ami, t'as jamais voulu, pourtant, tu t'en aies tapé des mecs, mais tu refusais toujours ça, cette étiquette, qu'on t'appelle petite amie. Mais avec Brooklyn, c'était totalement différent. Et c'était la première fois que tu sortais avec une fille. Elle avait un truc que les autres n'avaient pas. Tu l'aimais.
C’était au tour de Brooklyn de vous faire changer de destination, vous voilà dans un magasin pour femme. Elle t’a montré un haut en te disant que ça t’irai bien, t’as haussé les épaules. Peut-être, surement. T’as décidé de l’essayer. Pour lui faire plaisir, même si t'avais pas la tête à ça.
T'es sortie avec, t'allais le prendre, même si en fait, tu l'aimais pas tellement, t'as pris la première robe sur laquelle t'es tombée et tu l'as balancé à Brooklyn. Tout lui allait, mais ça, tu l'disais pas.